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Photo : le handbiker Mathieu Nunes à l’entraînement

Le handbike, ce pilier du Stade français

Discipline phare du paracyclisme, le handbike apporte depuis vingt ans des titres internationaux à l’équipe de France paralympique. L’un des meilleurs clubs se trouve au Stade français, une institution davantage tournée vers les valides et surtout connue pour son équipe de rugby. Une section handisport atypique qui nourrit de grands espoirs dans ses athlètes.

Dans le monde du sport, « Stade français » rime souvent avec « rugby ». Pourtant, les adeptes du ballon ovale de ce prestigieux club de l’ouest parisien ne sont pas les seuls à rayonner au niveau national. Parmi la vingtaine de sections du club, l’une d’elles fait partie des toutes meilleures de France : la section handbike. Celle-ci a été mise à l’honneur jeudi 23 janvier en recevant le titre de « Stadiste de l’année », un prix pour honorer ses bons résultats glanés en 2019 mais aussi pour récompenser l’ensemble du travail effectué depuis sa création au début des années 2000.

Photo : le responsable du handbike au Stade français, Pascal Auclair, reçoit le prix de « Stadiste de l’année » remis à sa section
Photo : © Le responsable du handbike au Stade français, Pascal Auclair, reçoit le prix de « Stadiste de l’année » remis à sa section / Beaview – Vincent Lenoir

Pourquoi une section 100 % handisport dans ce club plutôt connu chez les valides ? « Cela vient de la volonté de l’ancien président de la section athlétisme, Michel Provost, décédé l’année dernière, qui a voulu intégrer le handisport dans l’athlétisme au courant des années 90, explique Pascal Auclair, responsable du handbike au Stade français depuis 2004. Au début, c’était ce qu’on appelait le “fauteuil roulant de course”, à trois roues, les athlètes étaient à genou et poussaient les mains courantes. Puis vers l’an 2000, beaucoup de sportifs sont passés au handbike, plus adapté à la route. » La discipline se pratique allongé au sol, les bras actionnant un pédalier placé devant soi.
Bénéficiant de l’effet de mode créé par l’apparition de la discipline, la section connaît son apogée au début des années 2010 quand une dizaine de coureur.se.s étaient licencié.e.s et présents en compétition. Le club envoie plusieurs athlètes concourir au niveau international, avec en point d’orgue, le titre de champion du monde (2017) et la cinquième place aux JO de Rio obtenus par David Franek, décédé en décembre 2018.

Deux coureurs, des grandes ambitions

Aujourd’hui, le handbike attire moins. La faute, selon Pascal Auclair, au prix du matériel et aux coûts des déplacements qui ne cessent d’augmenter. Le nombre de participants aux départs des courses a baissé de moitié en 10 ans. Mais la section du Stade français a su rester compétitive. Riadh Tarsim et Mathieu Nunes, deux coureurs licenciés de longue date, ne cachent d’ailleurs pas leurs ambitions pour 2020, année olympique.

Riad Tarsim, vainqueur en catégorie MH3 du Critérium de Longchamp David Franek 2019. Crédit : CRIFH/O.HEPIEGNE
Riad Tarsim, vainqueur en catégorie MH3 du Critérium de Longchamp David Franek 2019. Crédit : CRIFH/O.HEPIEGNE
Photo : © Mathieu Nunes, 32 ans, a fait des championnats de France son objectif de la saison / Beaview – Vincent Lenoir

Le premier est un pilier de l’équipe de France, multiple vainqueur de courses en France et à l’international, il obtient le titre de vice-champion du monde en 2018. Chef d’entreprise de 46 ans, basé dans le Val-de-Marne, il compte rapporter une médaille de Tokyo. Quant à Mathieu Nunes, de douze ans son cadet, il souhaite poursuivre sur la lancée de son excellente saison 2019 (2e d’une épreuve de Coupe de France) pour passer un cap et s’installer enfin parmi les meilleurs.
Même s’il est supervisé par un cadre de l’équipe de France, Riadh Tarsim a décidé de prendre un coach personnel, qui lui prépare des séances spécifiques en fonction de ses objectifs. Le handbiker roule 10 à 14 heures par semaine, en jonglant avec la gestion de sa PME, pour un total de 8 000 km parcourus en 2019.
Une méthode qui lui apporte satisfaction, à tel point que Mathieu Nunes a décidé de l’imiter. Paraplégique depuis dix ans à la suite d’un accident de la route, ce père de deux enfants a dû mettre un terme à son activité de chauffeur de taxi et a décidé de se consacrer pleinement à sa progression sur le circuit et suit à la lettre le plan d’entraînement prévu par ce coach spécialisé avec qui il communique à distance et à qui il transmet ses statistiques de course : « Je suis parfois frustré parce que si je m’écoutais, je pourrais m’entraîner deux fois par jour. Mais je respecte les consignes de l’entraîneur qui a prévu mon pic de forme pour les championnats de France [en juin, à Thorigné d’Anjou, près d’Angers]. Quitte à regretter de ne pas en faire plus… Je lui fais confiance et on verra si ça paye. »

Questions d’argent

Les coureurs gèrent leurs séances et leur calendrier en autonomie totale par rapport au Stade français. « Ce qu’on demande à nos coureurs, c’est de s’épanouir, quel que soit leur niveau, avance Pascal Auclair qui assure ne pas imposer d’obligation de résultat. Le club apporte un soutien logistique, on aide à l’achat du matériel, on s’occupe des déplacements nationaux et de certains à l’étranger. » Un support nécessaire quand les handbikers peuvent cumuler une vingtaine de déplacements annuels et doivent acquérir des fauteuils de course à plus de 10 000 euros pour être compétitifs.
Paradoxalement, la baisse du nombre de coureurs au sein de l’équipe a bénéficié à Riadh Tarsim et Mathieu Nunes, car il est plus facile de financer le matériel pour deux athlètes que pour dix. Aujourd’hui la section dispose d’un budget annuel de 15 000 euros, contre environ 30 000 il y a 10 ans).
Mais les coureurs doivent toujours mettre la main à la poche pour payer la différence dans cette discipline où l’on croise peu de sponsors. Pascal Auclair pointe du doigt les restrictions budgétaires et se dit « déçu » par la politique du ministère malgré la proximité des JO de Paris. Une piste d’explication, selon lui, du fait que la discipline attire moins : « Je doute que les autres clubs puissent défrayer leurs athlètes comme nous le faisons. » Mais qui explique peut-être aussi pourquoi les athlètes du Stade français continuent à briller.

Riad Tarsim au premier rang du peloton du Critérium de Longchamp David Franek 2019. Crédit : CRIFH/O.HEPIEGNE

Le premier défi de l’année se joue à domicile pour les deux coureurs : au critérium de Longchamp ; rebaptisé David Franek depuis le décès de leur ancien coéquipier. Une course à la charge émotive particulière, remportée l’année dernière par Riadh Tarsim dans sa catégorie (MH3). En attendant, les deux athlètes iront parfaire leur condition physique lors d’un stage au Maroc, puis entameront leur saison avec, déjà, un œil sur les Jeux paralympiques fin août à Tokyo.

Un article de Vincent Lenoir

*Note : en raison de la Covid-19, les Jeux paralympiques d’été de 2020 à Tokyo au Japon, initialement prévus du 25 août au 6 septembre 2020, se dérouleront du 24 août au 5 septembre 2021.

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