Boulogne 92, le club d’aviron accessible aux portes de Paris
Publié il y a 4 ans, le 11 décembre 2020
Par
Havre de calme et de verdure à moins de 3 kilomètres de la capitale, le parc nautique de l’île Monsieur accueille le plus grand club d’aviron de France et ses sections handi-aviron et sport adapté.
Un cormoran déploie ses ailes. Deux cygnes volent au ras de l’eau alors qu’une péniche remonte tranquillement le fleuve sous le ciel clair de novembre. Difficile d’imaginer qu’il y a encore vingt ans, l’endroit vivait au rythme des usines Renault de Boulogne-Billancourt.
C’est dans ce cadre quasi-hors du temps et de l’espace urbain saturé de l’agglomération parisienne que se réunissent les membres du Boulogne 92, le plus grand club d’aviron du pays (804 licenciés en 2019). Arrivée en tête du classement général de la Fédération française d’aviron, cette structure rattachée à l’Athletic club de Boulogne-Billancourt (ACBB) s’illustre tant chez les valides qu’au sein des sections handisport et sport adapté*, de loin considérées comme les meilleures de France.
Une section handi-aviron bien installée
Composé d’une dizaine de membres répartis en trois catégories (PR1, PR2, PR3*), le handi-aviron figure parmi les piliers du Boulogne 92, à l’image de Stéphane Tardieu, double médaillé paralympique en PR2. La discipline s’est bien développée ces dernières années grâce « au rapprochement entre la Fédération française d’aviron et la Fédération française handisport », explique le président du club, Pedro Ferreira. Cette double affiliation permettant de promouvoir et organiser des compétitions en prenant en compte « des besoins très spécifiques en matériel et en installations » de l’handi-aviron.
Alors que la France est encore en plein confinement, les membres de la section se donnent rendez-vous tous les samedis matins, grâce à la dérogation pour les personnes en situation de handicap. « Nous sommes des privilégiés, prévient d’emblée Manuel Rodriguez (PR1), très satisfait des conditions d’accueil du Boulogne 92. Le cadre ici est super. On a le droit de venir, contrairement aux valides, et le club est bien accessible. C’est difficile de trouver mieux dans le coin. »
Situé à Sèvres, à deux pas du parc du domaine national de Saint-Cloud, le club profite des installations modernes et accessibles du parc nautique de l’île Monsieur. Aidés de quelques bénévoles pour la mise à l’eau et leur sortie, les rameurs s’engagent pour des séances de deux heures sur un terrain de jeu d’environ 4 kilomètres, le long de l’île Seguin et des maisons cossues de cette partie des Hauts-de-Seine, jusqu’au périphérique.
Ce samedi de mi-novembre, l’entraînement se divise entre les skiffs (bateau individuel, très instable) et un bateau « deux barré » pour Lars Bosselmann, classé SI (handicap visuel). Au programme : des révisions techniques et quelques accélérations en fin de séance. Les rameurs sont conseillés par un coach qui les suit dans un bateau à moteur, et les prévient du (seul) danger qui les guette : les péniches. Celles-ci créant des vagues susceptibles de faire chavirer les bateaux, les rameurs s’écartent et se stabilisent en posant leur rame à plat sur l’eau.
La sécurité est au centre de ce sport où le port du gilet de sauvetage est impossible à cause du mouvement des bras. Mais « il y a des consignes de sécurité particulières pour le handi-aviron », précise Pedro Ferreira. « En PR1, les flotteurs sur le côté du bateau sont obligatoires et ils sont systématiques pour les débutants des autres catégories. » Le club demande aux pratiquants de savoir nager sur au moins 25 mètres. Si les histoires de chute (“se baquer”, dans le langage des rameurs) existent, comme Alexandre Duthoit (PR2) qui s’est baqué près de la tour TF1 il y a quelques années, les accidents graves sont très rares. « De toute façon, même cassé, le bateau flotte toujours et peut servir de bouée », rassure Pedro Ferreira. Même seul sur son skiff, un rameur n’aura pas à attendre très longtemps avant de recevoir du secours.
L’aviron adapté victime de son succès
La section aviron adapté pose d’autres défis logistiques. Elle peut requérir jusqu’à 4 bénévoles par pratiquant afin d’assurer la sécurité et la progression des licenciés. Là où les « handis » peuvent facilement profiter des installations même en dehors des entraînements du groupe, les rameurs sport adapté ne bénéficient pas d’autre créneau que celui du dimanche, une semaine sur deux.
Créée il y a cinq ans et dirigée par Constanza Sedaros, la section est composée d’une vingtaine de jeunes rameurs et s’est très vite développée. Elle est aujourd’hui complète et pourrait difficilement accueillir davantage de membres : « Nous avons exceptionnellement accepté un jeune cette année qui demandait depuis plus de deux ans », déplore l’éducatrice, qui siège aussi à la MDPH du 92.
Les entraînements se font en « yolette », composée de quatre rameurs et d’un barreur qui dirige l’embarcation. La présence des bénévoles permet aux membres de la section de recevoir des conseils individualisés tout en assurant l’avancée du bateau. L’ « allonge » – le mouvement au moment où l’extrémité de la rame (la « pelle ») est immergée – nécessite la maîtrise d’une multitude de petits gestes qui, s’ils sont mal effectués, compromet la poussée.
Conscient du succès de cette section, le Boulogne 92 a engagé une réflexion pour populariser ce sport auprès des établissements spécialisés. Une personne au club est chargée de réfléchir à ce type de rapprochements et résoudre la problématique du nombre de bénévoles nécessaires. Difficile en effet de mobiliser les membres du club en semaine, moment des sorties des structures.
* L’appellation « handisport » concerne les handicaps moteurs, visuels ou auditifs et « sport adapté » les handicaps mentaux ou psychiques. Chaque catégorie est rattachée à sa propre fédération nationale. Certains sports, comme l’aviron, sont également rattachés à la fédération sportive correspondante.
** Pour le détail des catégories, cliquez ici
Un article de Vincent Lenoir