L’interdiction des pailles en plastique, quelles alternatives pour ceux qui en ont vraiment besoin ?
Publié il y a 4 ans, le 17 février 2021
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Depuis quelques années le sujet de la paille en plastique est dans toutes les bouches. Nuisibles et polluants, ces petits tubes en plastique représentent un fléau pour l’écologie. Elles sont interdites depuis le premier janvier 2021, tout comme d’autres objets en plastique à usage unique tels que les couverts jetables, les couvercles des gobelets à emporter, les touillettes, les boîtes en polystyrène expansé, les confettis en plastique, les tiges pour ballons, les piques à steak et les objets en plastique oxodégradable.
Cette mesure intervient en vue de l’application de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, qui vise dans l’un de ses axes à sortir progressivement des plastiques jetables d’ici 2040 (voir : plan gouvernemental économie circulaire : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Document_LoiAntiGaspillage%20_2020.pdf).
Ces interdictions, promues à l’origine par les mouvements « zéro déchet » ou « zéro plastique » impactent nos modes de consommation, conduisant la société vers une disparition, voir un remplacement progressif de ces objets jetables par d’autres dispositifs réutilisables et plus écologiques. Cependant, cette décision de bannir notamment la paille en plastique ne tient pas compte de certains usagers, pour lesquels les pailles souples sont indispensables. Quelles sont alors les solutions et les alternatives pour les personnes qui en ont réellement besoin.
Les origines de la paille à boire
Aujourd’hui, la paille en plastique pliable est l’emblème des terrasses et des vacances, la société ne voit donc aucune difficulté à proclamer son interdiction, la paille étant perçue comme un simple « accessoire », quelque chose de remplaçable. L’histoire de son utilisation en Occident est liée autant à la consommation des boissons alcooliques, qu’à la prise de conscience de l’hygiène pour préserver la santé des gens.
Des découvertes archéologiques ont montré que des objets cylindriques servant à boire, faits en or ou en d’autres matériaux, étaient déjà utilisés en Mésopotamie (il y a près de 4600 ans), tout comme en Egypte ancien. Les bombillas (pailles en métal) servant à boire le maté sont également utilisés depuis des siècles en Amérique du Sud.
Aux Etats-Unis et en Occident, l’emploi de la paille à boire remonte au XIXe siècle et à la consommation de whisky, qui se faisait avec des pailles végétales, cependant, elles ramollissaient rapidement, ce qui a motivé Marvin Stone, un inventeur qui avait créé une machine à rouler les fume-cigarettes à produire des pailles en papier manille ou kraft, ce qui lui vaut d’être considéré comme l’inventeur de la paille à boire moderne. C’est aussi vers la fin des années 1800 que les pailles commencent à être considérées comme un outil qui permet de maintenir une bonne hygiène et santé, leur usage est ainsi encouragé à travers des ordonnances gouvernementales.
Plus tard, au début du XXe siècle, c’est Joseph Friedman, un autre inventeur américain, qui en observant sa fille boire avec difficulté à travers une paille rigide, a l’idée en 1937 de créer une paille flexible qui permettra à tout le monde de l’utiliser, il commercialise son invention à travers son entreprise Flex Straw Company. Cette paille flexible sera une aubaine pour les hôpitaux, les personnes alitées, couchées ou avec des difficultés pour boire ou manger. Et c’est l’apogée des objets en plastique et de la restauration rapide, pendant les années 1950 et 1960, qui feront de ces outils, des biens de consommation courants.
Les objets en plastique à usage unique enjeu commercial et symbole de modernité
C’est donc à partir des années 1960 que le produit se popularise, et pour l’introduire à un marché plus large, les fabricants n’hésitent pas à proposer des nouvelles formes, des couleurs et des tailles différentes et à moindre coût. C’est à ce moment-là que l’image de la paille fluo (et du quart de citron au bord du verre) devient un symbole de modernité, et que son usage se généralise, qu’elle devient l’emblème des terrasses et de l’été, symbole des vacances à la plage et de la fête.
Aujourd’hui, cet objet a cristallisé le rejet des plastiques à usage unique, et en devient l’emblème, notamment après la publication des vidéos sur leur présence massive dans les océans. Tout le monde se rappelle de cette vidéo du sauvetage d’une tortue marine en souffrance à cause d’une paille coincée dans ses narines.
Écologie et innovation mais peu de remise en question
Dans cette course à l’interdiction des pailles, il y a bien des recherches d’alternatives, puisque le fléau qu’est la paille pour l’écologie n’est pas le « concept » de la paille en elle-même, mais bien le matériau qui la compose, le plastique. L’industrie essaye tant bien que mal de créer des alternatives, allant de la paille en métal jusqu’à la paille comestible, en passant par les pailles en bambou, les pailles de blé, en inox, en verre, en papier ou carton, à base de canne à sucre… Sans pour autant remettre en question son utilisation à des fins non médicales.
De ce fait, cette recherche frénétique de solutions de remplacement se fait avec des fins d’une part écologiques, mais surtout économiques et commerciales, sans jamais évoquer le fait que certaines personnes en ont besoin pour boire ou manger. Par conséquent, ces alternatives ne conviennent pas à tout le monde, notamment à une partie non négligeable de la population qui présente un handicap qui nécessite des pailles flexibles, pliables et en matière souple. De plus, elles présentent un bon nombre d’inconvénients : comme la paille en inox, qui est réutilisable et stérilisable, certes, mais qui peut devenir extrêmement brûlante au contact des boissons chaudes ou si elle est exposée à une autre source de chaleur, ou coller à la peau si la boisson est trop froide. La paille en papier, pour sa part, ramollit dans les liquides, se décompose et peut être avalée ; celles en verres ou en plastique réutilisable peuvent provoquer des blessures en se cassant et chauffer tout comme celles en métal, et le nettoyage risque de vite s’avérer difficile, car il nécessite d’une certaine précision dans les gestes que tout le monde ne peut pas avoir. En plus, si elles ne sont pas correctement lavées ou stérilisées, elles peuvent être le réservoir de champignons et bactéries.
Déjà en 2017, un père américain appelait à ne pas oublier que cet outil d’assistance est essentiel à l’alimentation de nombreuses personnes dont la série complexe de mouvements nécessaires pour boire directement d’un verre s’avère difficile ou impossible. Il appelait à ce que la mise à disposition des pailles en plastique souples dans les restaurants et stations de service, soit limitée aux usagers qui en ont vraiment besoin. (voir : https://psmag.com/social-justice/saving-the-oceans-with-my-son-and-adrian-grenier).
Intégrer une vision non-validiste à la pensée écologique
Regarder la paille en plastique seulement comme un fléau synonyme de pollution, nous écarte de la prise en compte de ses usages par nécessité, alors que ce qui est en question ici est aussi le droit et le besoin fondamentaux de boire et de se nourrir.
La disparition ou le remplacement des pailles dans les bars, les restaurants, les cantines et autres commerces alimentaires, par des alternatives en papier ou autres matériaux est donc une réponse incomplète et se heurte à des limites ; et à ce jour il n’existe pas de véritables alternatives pour les hôpitaux et pour tout usage nécessaire et non accessoire.
Qu’est-ce que la disparition des pailles engendre ? Une obligation pour les personnes handicapées de ramener à chaque fois sa paille réutilisable avec elles, ou de se voir utiliser des pailles rigides inadaptées à leurs besoins.
En pensant l’écologie sans prendre en compte la société dans son ensemble, on risque de marginaliser encore plus certaines parties de la population qui le sont déjà. Les personnes handicapées sont autant soucieuses de l’environnement que les reste de la population et du fait de ne pas trouver des alternatives qui s’adaptent à leurs besoins, certaines peuvent culpabiliser.
Une écologie inclusive serait une écologie qui veillerait à questionner les usages superflus de certains plastiques à usage unique, toujours dans l’idée de préserver l’écologie et l’environnement, et tacherait à trouver des alternatives pour une emploi responsable de ces outils.
Bibliographie :
- https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1114635/boire-paille-mesopotamie-plastique-bambou
- https://invention.si.edu/straight-truth-about-flexible-drinking-straw
- https://www.economie.gouv.fr/entreprises/interdiction-plastique-jetable
- Saving the oceans with my son and Adrian Grenier, essai de David M Perry – 14 juin 2017 : https://psmag.com/social-justice/saving-the-oceans-with-my-son-and-adrian-grenier
Un article de Alexiane Majesté et Talía Olvera