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Guislaine Westelynck, Présidente de la Fédération Française Handisport

Handisport : « Le haut niveau est important, mais je ne veux pas abandonner le reste »

Réélue début octobre à la tête de la Fédération française handisport, l’ancienne championne de natation, Guislaine Westelynck, raconte comment le handisport vit sa mise à l’arrêt en raison de la pandémie de coronavirus et livre ses pistes pour s’en relever. Avec en point de mire les Jeux paralympiques de Tokyo et ceux de Paris 2024.

Comment le handisport a-t-il reçu le choc de cette année 2020 ?

Nous avons été désorientés car la pandémie était imprévisible. C’était un phénomène de sidération. Que fait-on ? Comment fait-on ? A la Fédération, nous avons réagi très vite en essayant de ne jamais couper les ponts avec les sportifs, les territoires, l’encadrement et nos salariés. Il a fallu gérer les annulations de compétitions, trouver des solutions pour les budgets… On était en contact direct avec le ministère, l’Agence nationale du sport et le Comité national olympique et sportif français qui ne nous ont pas lâchés. Nous avons essayé de faire remonter toutes les informations qu’on avait aux directeurs sportifs ou entraîneurs. On a travaillé d’arrache-pied en espérant qu’à la sortie du confinement tout le monde pourrait reprendre tant bien que mal ses activités. Sans auto-satisfaction, je dois dire que nous avons été très très présents sur le terrain. C’est une grande fierté.

Vous avez mis en place des projets spécifiques ?

Nous avons profité de l’occasion pour développer des projets, comme le e-sport. Mais aussi des cours gratuits de zumba. Une centaine de personnes se connectaient une fois par semaine. On voulait créer du lien, que les gens bougent et ça a fonctionné. Franchement, je le redis, je suis très fière.

Photo 2 Zumba

Quelle était l’inquiétude principale des clubs ?

Beaucoup de gens ont demandé le remboursement de leur licence. Nous avons dû expliquer que la licence c’est l’adhésion à un mouvement, et non une prestation. Après, si un club demande une cotisation supplémentaire, c’est un autre problème, c’est à eux de juger.

Mais cela ne risque-t-il pas de faire baisser les adhésions cette année ?

Cette question est cruciale. Je vois tous les jours des gens qui hésitent. Il faudrait une aide de l’État qui irait directement au licencié. Ce serait réellement incitatif. Nous sommes quasiment à 50% de licenciés en moins par rapport au mois d’octobre de l’année dernière. Là, on est inquiets.

Comment envisagez-vous la reprise des activités ?

A la fin du confinement, on a monté une cellule pour que les gens qui avaient des questions nous écrivent et obtiennent une réponse. On a mis en place un plan de déconfinement qui devait mixer les directives ministérielles, nos propres précautions et le fait que nous sommes un public peut-être plus à risque. Encore que, quand on prend un sportif de haut niveau amputé d’une jambe, il est sûrement moins à risque que le sportif moyen ! Mais les grands handicaps c’est une approche plus particulière, il ne faut surtout pas qu’ils tombent malades. Le ministère des Sports s’est d’ailleurs inspiré de notre plan et s’est calqué sur nos précautions. Ensuite, on a pu souffler un peu pendant l’été. Puis en septembre, on pense reprendre l’activité et on prend de plein fouet la deuxième vague. Tout s’annule de nouveau.

 Photo 3. Boccia

Vous n’êtes pas mieux préparés ?

Ce qui est terrible, c’est que les Jeux de Tokyo approchent et il n’y a pas encore eu de compétitions internationales. C’est la grande inquiétude pour la plupart des sportifs qui ne peuvent pas se mesurer à la concurrence. Surtout que les athlètes handisport doivent être classifiés dans des classes de handicap, ce qui se fait lors des compétitions internationales. Or, nous avons encore des interrogations sur certains athlètes de haut niveau qui sont hyper performants mais pour lesquels on ne connaît pas avec certitude leur classe d’appartenance.

N’avez-vous pas peur que cette deuxième vague vous bloque pour un moment ?

Je suis d’un naturel optimiste et je me dis que ça ne va pas durer. Mais concernant la reprise des activités, les directives ministérielles sont très claires : les gymnases sont ouvert aux scolaires, aux clubs avec des mineurs et aux personnes en situation de handicap.* 

Pourtant de nombreux clubs handisport ne peuvent pas reprendre.

Des préfets sont frileux dans leurs arrêtés. J’ai eu le cas dans les Bouches-du-Rhône mais aussi dans le Centre-Val-de-Loire. Mais je les comprends, mon discours n’est pas à charge : ils sont prudents. Ils peuvent penser que les personnes en situation de handicap sont une population plus à risque. C’est vrai parfois mais parfois non. Ce sont des athlètes avant tout.

Si on oublie la crise sanitaire, quelles sont les pistes pour réaliser les ambitieux objectifs de CAP24, et notamment l’augmentation du nombre de licenciés ?

Il faut rentrer dans les structures spécialisées. C’est l’objectif du programme « Peps » : proposer une activité sportive en général à des personnes avec des handicaps assez lourd et en même temps former le personnel sur place, de façon à les autonomiser. Le but du jeu est de faire découvrir ce que nous sommes et de donner aux gens l’envie d’adhérer à notre mouvement.

Et sur la question des transports ?

Je plaide pour une société de transport adaptée qui coûte le prix d’un ticket de bus. Donc ça sous-entendrait la participation des collectivités locales, parce que souvent les parents n’accompagnent pas les personnes en situation de handicap, c’est très rare.

Vous pensez disposer de suffisamment de moyens pour réaliser tous ces projets et en plus obtenir un grand nombre de médailles en 2024 ?

Bien évidemment que non… Notamment parce qu’il va falloir mettre beaucoup d’argent sur le haut niveau pour avoir des résultats en 2024. Mais je ne veux pas abandonner le reste. C’est la raison pour laquelle nous sommes toujours en quête de partenaires privés. Alors oui la haute performance c’est très important, j’en suis issue, j’ai été nageuse et entraîneure de l’équipe de France. C’est clair que c’est le nombre de médailles qui va être déterminant pour notre avenir. Mais l’aspect social, l’intégration par le sport… Tout ça aussi est important. Je veux rester près des territoires parce que si on les néglige, après 2024, il n’y aura plus rien.

*L’article 42 du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 dispose bien que « par dérogation, les établissements mentionnés au 1° du I (établissements sportifs couverts) et les établissements sportifs de plein air peuvent continuer à accueillir du public pour (…) les activités physiques des personnes munies d’une prescription médicale ou présentant un handicap reconnu par la maison départementale des personnes handicapées ».

Un article de Vincent Lenoir

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