Découvre, participe et diffuse Beaview, le magazine du handicap indépendant et engagé
Publié il y a 5 ans, le 11 mai 2020
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Beaview a été officiellement lancé en janvier 2020. Le temps suspendu en cette période pandémique (Covid-19) permet l’écriture à tête reposée. Explication sur un long périple entrepreneurial, un point sur le positionnement du média et sur les objectifs à venir.
Dans le premier billet Beaview : ” créer une nouvelle voix, le nouveau média du handicap ” j’expliquais avec un ton assez évasif à la première personne du pluriel ma décision de créer un média autour des questions liées aux handicaps ainsi que l’enthousiasme général autour du projet. Mais ça, c’était avant.
En effet, nous avons officiellement communiqué sur le lancement du magazine en ligne Beaview. L’équipe et moi-même espérons que ces premiers contenus te plaisent.
“La mission de Beaview est de promouvoir la citoyenneté des personnes handicapées”
La mise en marge des personnes handicapées est un enjeu social majeur, et doit être reconnue comme tel. Cette exclusion est principalement due au validisme. Le validisme prétend que la personne valide est supérieure à une personne handicapée, il prend de nombreuses formes. À ce constat s’ajoutent aussi d’autres formes de discrimination.
Ligne éditoriale : notre magazine se veut une réponse face à la vision validiste, souvent stéréotypée et mécanique de l’actualité autour du handicap.
Mais qu’est-ce que ça veut dire concrètement ?
Cela veut dire que Beaview propose des sujets importants et surtout des sujets choisis au-delà de l’actualité médicale, associative, gouvernementale, institutionnelle et autres dates événementielles qui contribuent à favoriser l’indifférence médiatique le reste de l’année et à inférioriser les personnes handicapées.
Cela veut dire qu’on ne crée pas des contenus pour redonner du baume au cœur aux personnes valides.
On délivre une information !
La mission de Beaview est de promouvoir la citoyenneté des personnes handicapées à travers un magazine de presse en ligne. Cela en toute indépendance et sans publicité.
Mes erreurs et les problèmes rencontrés (listes non-exhaustives)
Pour être transparent, le lancement du magazine a pris beaucoup plus de temps que prévu. En tant que fondateur unique, j’ai commis des erreurs et j’ai rencontré plusieurs problèmes.
Je pensais pouvoir être plus libre dans mes déplacements en étant mon propre patron
Pour ceux qui ont lu mon premier billet posté sur Médium, j’avais indiqué que Beaview avait intégré une structure dédiée aux entreprises en création dans le Val-d’Oise. Grand avantage : un réseau entrepreneurial de proximité et dynamique à moins de 30 minutes de chez moi (Bus ; 20 minutes + RER ; 5 minutes + 450m ; 5 minutes). J’ai malheureusement subi le manque d’accessibilité pour me rendre au bureau et à un grand nombre de mes rendez-vous, explications :
Prendre le bus en fauteuil roulant électrique peut relever de la chance, c’est très aléatoire, il peut arriver que la rampe soit bloquée, que le conducteur ne sache pas comment la faire fonctionner, qu’il n’y ait pas de possibilité de descendre sur le trottoir une fois arrivé à destination. Il arrive aussi que le bus se remplisse avant que je ne puisse y monter.
Du côté du RER, il faut le réserver quasi obligatoirement par téléphone ou par e-mail avant 12h pour le lendemain, cela en précisant les horaires du train souhaité à l’aller et au retour. Il faut savoir que les rampes sont manuelles et que leur installation nécessite la présence d’agents en gare (problème : les gares décrétées comme pas très utiles ou peu rentables deviennent des gares fantômes sans agents donc). Sans parler des pannes récurrentes d’ascenseurs qui induisent de transiter vers une gare annexe pour revenir dans l’autre sens et arriver sur le quai d’en face (tu n’as pas compris, je sais, désolé). J’ai été tranquille durant une période à ce niveau puisque que tous les ascenseurs de la gare desservant les locaux du bureau ont été en panne durant 9 mois consécutifs.
Autre solution : le taxi équipé avec rampe d’accès, celui-ci n’est pas réservable à l’avance (sur le papier, c’est écrit que oui, mais en fait non, les centrales de taxis contactent les conducteurs quelques minutes avant l’heure de prise en charge). Partant souvent de Paris pour rejoindre le Val d’Oise, ils n’arrivent pas à l’heure ou ils n’arrivent tout simplement pas, à noter également que les taxis viennent depuis Paris avec le compteur ouvert…
Tu as compris, je ne suis pas libre de choisir mes horaires de déplacement, ce qui n’est pas très compatible avec la création et la gestion d’une entreprise.
Je pensais pouvoir gérer et m’organiser en étant mon propre patron, que cela serait plus simple que de faire des plannings stricts, de la négociation constante et d’utiliser le service de transport départemental pour personnes handicapées, qui est intéressant et pratique, mais qui a peu de disponibilités, même 3 semaines ne suffisent pas à garantir la validation d’un transport, de plus, les modifications d’horaires sont à oublier. Par ailleurs, ce transport étant partagé, il est possible qu’il faille déposer une ou deux personnes avant de rejoindre son domicile ; après une longue journée de travail, cela est harassant. Au final, j’utilise ce mode de transport seulement pour un de mes loisirs personnels.
Tu me diras peut-être : pourquoi n’est-ce pas un proche qui m’amène en voiture ? Parce que je ne le souhaite pas. Ou pourquoi ne passes-tu pas ton permis, c’est possible de conduire en fauteuil roulant ? Alors oui, je l’ai envisagé (bien que je n’aie pas une passion pour la conduite et la voiture) mais il faudrait acquérir et aménager un véhicule à 100 k euros (ce n’est pas dans mes cordes).
J’ai minimisé le passage de l’idée au projet (passer de 0 à 1)
Quelles sont les techniques d’amorçages habituellement recommandées pour créer un média et une communauté sur les réseaux sociaux ?
Première solution (la plus logique) : faire soi-même les choses, à savoir, aller à la rencontre “des gens”, écrire des contenus, filmer des vidéos, publier régulièrement sur les réseaux sociaux, passer par la mise en ligne d’un site internet CMS préfabriqué (exemples : Wix, Squarespace, Medium, etc.). Dans mon cas, pour la première solution, je n’ai pas une très bonne plume (à l’école, j’ai toujours détesté les rédactions). Ensuite, pour la vidéo, je ne sais pas filmer (je n’ai pas la capacité physique de le faire, je précise sinon tu vas penser que je ne sais rien faire). Enfin, en ce qui concerne le site internet, je peux installer un CMS (mais pas trop entrer dans le code pour le rendre à minima accessible).
Deuxième solution, parfois complémentaire à la première, plébiscitée par tout créateur d’entreprise (startuper dans le game qui se respecte) : faire de la curation en masse sur les réseaux sociaux (exemples : Facebook, Linkedin, etc.). La curation, c’est le fait de sélectionner des contenus déjà réalisés par quelqu’un d’autre en rapport ou en adéquation avec son projet et de les republier ; cela permet aux personnes intéressées par un sujet précis de le consulter dans un même endroit sans effort. De son côté, la personne qui republie se construit une communauté de fidèles. Pour la deuxième solution, qui est normalement la plus simple à exécuter, cela s’est avérée être une impasse. J’ai clairement sous-estimé le problème. Et oui, il est très difficile de trouver des contenus de presse non validistes..
Autre méthode que tout le monde utilise ou presque : proposer en toute conscience du contenu de mauvaise qualité pour tester sa cible (j’avoue avoir déjà soumis cette solution à d’autres camarades entrepreneurs), mais c’est antinomique avec l’objet du projet Beaview (promis je ne l’ai jamais fait).
Par ailleurs, dans le champ du handicap, cela est souvent le fait de proposer des contenus inspirants avec des personnes handicapées (avec DES N’ENFANTS si possible) sur les réseaux sociaux (ça fonctionne du feu de Dieu, presque aussi bien que Pornub), bien entendu ces contenus anéantissent encore et toujours la réelle inclusion des personnes handicapées.
Bref, il y a d’autres techniques et outils pour créer un média et une communauté sur les réseaux sociaux, mais on n’est pas dans un cours marketing donc je m’arrête là.
Vouloir convaincre chacun de mes interlocuteurs lors de programmes, événements et concours de startups.
Vouloir plaire à tout le monde, ne pas vouloir gêner, s’excuser d’être là. Ce sont sûrement mes restes de validisme : depuis petit, on m’a toujours fait comprendre qu’on m’accordait une faveur en toute circonstance.
Autre erreur, avoir mis du temps à prononcer, imposer et inscrire le mot validisme (je me soigne). Beaview a une ligne éditoriale engagée et mes discours en public ne la reflétaient pas assez. Au-delà de ça, les personnes qui ne comprennent pas le projet Beaview aiment fantasmer que j’ai le syndrome “du handicapé aigri” qui veut prendre une revanche sur la vie.
Je parle simplement d’exclusion et de discriminations, je n’évoque pas en public, les maltraitances et les violences sur les personnes handicapées, car je sens le malaise.
“Le valide” a imposé le concept de HANDICAP POSITIF. Aujourd’hui, la mode pour faire progresser la cause, c’est de faire du handicap positif, comme par exemple : proclamer les bienfaits, sur les collaborateurs d’une entreprise, de recruter une personne en situation de handicap (la petite douceur qui rebooste au bureau ; j’aime imaginer que la personne handicapée a vraiment une vie de merde, cela me motive. Je devrais arrêter de me plaindre et aller de l’avant. Pour une personne handicapée proclamer sa joie d’être devenu “infirme”. Pourquoi devoir en faire des tonnes ? Faire du handicap positif est une injonction de valides et cela est accepté par un grand nombre de personnes directement concernées.
Lors d’une prise de parole, je vois la déception des personnes quand ils s’aperçoivent que je ne verse pas dans la leçon de vie, mais alors pourquoi il est là ?
Donc sauf exception je ne fais plus de pitch, car très franchement, je raconte beaucoup de balivernes et au final, minimiser, raconter des choses qui ne sont pas en phase avec sa pensée est à la longue fatiguant.
Pour comprendre, dans l’univers de la start-up, tout projet doit répondre à un problème. Quelle est la définition d’un problème dans l’univers start-up. Un problème doit être identifié, et cela, sous le prisme de l’opinion publique (du plus grand nombre, susceptible d’être intéressé par le produit ou le service). Par conséquent, s’attaquer à n’importe quelle inégalité sociétale latente ne répond pas au critère.
D’ailleurs, un média ne répond pas à un problème selon moi, il soulève des problèmes, il met en débat, questionne, interroge, instruit, fait découvrir de nouvelles choses. Je pense que Beaview est une offre, c’est peut-être utopique, mais je préfère voir cela comme ça.
Je pensais que le projet se suffisait à lui-même
Je ne pensais pas devoir obligatoirement incarner le média, (traumatisme des prises de paroles où ton auditoire attend de toi un storytelling INSPIRANT avec des anecdotes personnelles IMPACTANTES). Pas envie d’être “l’handicapé qui surmonte son handicap” ou qui “déjoue les pronostics”. Cependant, je vais essayer d’aller mouiller la chemise à l’avenir…
Il faut se rendre à l’évidence, le validisme, la ségrégation des personnes handicapées, les gens s’en cognent et dans la presse de façon générale, c’est intéressant et exotique, mais rien de plus. (La crise sanitaire confirme cela…, je ne ferai pas de récupération sur ce billet de communication, je m’arrête là).
Comme dans tout mouvement, ce sont les personnes concernées qui doivent faire du bruit, mes restes de validisme me laissaient penser que le sujet du handicap était à minima fédérateur, mais non, les handicapés ne doivent pas sortir des clous. Souris, fais des blagues et sois inspirant, c’est tout ce qu’on nous demande, il faudrait que cela s’arrête.
Nous n’avons pas encore déployé les supers formats de Beaview !
Comme tu l’as peut-être déjà remarqué, cette première version du site est gratuite.
Certains nous demandent de faire davantage de vidéos. “Le règlement” des médias de presse en ligne demande de faire de l’écrit. Mais sur les réseaux sociaux, on pourra en diffuser sans problème. Notamment sur Facebook ou c’est la fête au validisme, il faudra envoyer du lourd et en abondance.
Nous avons également deux (super, méga, gros) formats éditoriaux en attente pour le site internet. On a prévu des choses, mais il nous faut du budget.
Un autre enjeu est de faire intervenir dans Beaview beaucoup plus de personnes anti validistes. Nous sommes ouverts à toute collaboration qui aille dans ce sens.
Pour précision, n’étant pas une “association” militante, mais un organe de presse, nous nous devons d’avoir du contradictoire dans nos enquêtes, d’entendre tous les protagonistes.
Nous souhaitons aussi faire des investigations, mais nous ne sommes pas équipés pour le faire (exemples : matériel de captation, télécommunications et informatique sécurisées…). Il nous faudrait également deux ou trois membres entièrement dédiés au projet pour y parvenir.
Pour ce faire, nous devions lancer au moins d’avril un financement participatif, mais la crise du coronavirus nous a rattrapés. Les abonnements devraient aussi être ouverts plus tard. Ces deux étapes seront réellement déterminantes pour la suite du projet.
Qu’est-ce que tu peux faire pour nous aider ?
N’hésite pas à nous contacter si tu trouves que certaines choses ne vont pas : appellations, adjectifs, résidus de validisme, etc. On prendra en considération tes remarques.
Tu peux aussi t’inscrire sur notre newsletter, cela contribue à faire grandir le projet.
Je suis convaincu qu’il est possible pour les personnes handicapées de se faire entendre, il faut prendre les devants, faire les choses par nous-mêmes et avec nos proches. (S’ils ne sont pas “possédés” par le validisme.)
L’objectif est de construire un média puissant, rentable, indépendant, libre de ses choix, non-tributaire de sponsors ou partenaires et qui n’ait pas peur des intimidations.
Merci à Talía Olvera qui copilote Beaview avec moi durant son temps libre, à toute l’équipe, à nos collaborateurs, à Starlabs pour son soutien. À Atif Nawaz, conducteur de taxi, toujours prêt à me dépanner, et à Tanguy pour la relecture de ce post corporate.
Bob Gomis, fondateur, CEO, directeur de la rédaction et de la publication